Accueil » Opinions » Il y a gestes et gestes…

Opinions

Il y a gestes et gestes…

2 Janvier 2008 - Sylvain SEMHOUN

L'élection à la présidence de la République française de Nicolas Sarkozy, a représenté, à juste titre, un immense espoir dans la communauté juive de France et au-delà, dans l'importante communauté francophone d'Israël. Après presque trente années de politique étrangère gaullienne alignée de manière quasi-systématique sur les intérêts arabes, l'arrivée aux affaires d'un jeune président dynamique aux idées novatrices allait enfin pouvoir combler l'immense fossé d’incompréhensions et de déceptions, creusé pendant de longues années, entre les autorités françaises et la communauté juive, et ce, par des gouvernements de gauche comme de droite. Et effectivement, les déclarations successives de Nicolas Sarkozy depuis son accession au pouvoir ont confirmé qu'il y avait bien un tournant réel dans la politique moyen-orientale de la France.

Il y a cependant des petites phrases qui laissent à penser que des décennies d'aveuglement et de préjugés ne peuvent pas disparaître en quelques mois. Certes, personne ne demande à la France d'épouser pleinement la cause israélienne, un "Etat n'ayant pas d'amis, mais que des intérêts" selon l'expression même du Général de Gaulle. Mais toutefois, un examen sérieux des réalités du Proche Orient, aurait du pousser les conseillers du président français à ne pas lui insuffler la phrase "de trop" à l'issue de son voyage en Egypte: "Le moment est venu pour Israël de faire des gestes qui permettraient de prouver que la paix est possible"…

"Faire des gestes pour montrer"…! Au-delà du verbe, il y a aussi tout le substrat psychologique de l'image du Juif telle qu'elle a été véhiculée depuis des siècles en Occident chrétien, et que beaucoup de Juifs ont d'ailleurs hélas eux-mêmes intégrée comme norme de comportement : celle d'une personne sommée constamment de prouver sa bonne foi, sa bonne volonté face à ses interlocuteurs, de renoncer et de céder sur ce qui lui est de plus cher, afin "d'arranger les choses". Les exigences incessantes, venant d'Occident ou du monde arabe, au-delà de leur non-sens politique, révèlent à quel point leur image du Juif avili est tenace, même si cela remonte parfois dans l’inconscient profond.

Pour ne jeter de regard que sur la période actuelle, la vérité saute aux yeux : seul l'Etat d'Israël a "fait des gestes" continuels pour montrer sa « bonne volonté », alors que l'Autorité palestinienne n'a pas encore commencé à appliquer le moindre article des accords qu’elle a paraphés.

Dois-je rappeler la phrase d'AbdelKader, qui, après avoir signe le traite de paix avec la France en 1830, a déclare a ses sujets : "Tout traite de paix signe avec les infidèles, est une trêve pour préparer la guerre".

Déclaration toujours actuelle …

Le désengagement de la Bande de Gaza avec l'expulsion de 8000 Juifs de leurs maisons, l’abandon de l’Axe stratégique de Philadelphie, les libérations successives de centaines de terroristes, la levée de barrages, l'approvisionnement en armes et munitions aux terroristes du Fatah (cas unique au monde!), ainsi que le lobbying à l’étranger d'hommes politiques israéliens pour obtenir des milliards au profit d'Abou Mazen, sont autant de gestes qu'aucun gouvernement sensé ne ferait en faveur de ses ennemis. Et en quoi ces multiples gestes ont-ils "prouvé que la paix est possible" comme le dit Nicolas Sarkozy? En rien, bien au contraire !

Les Palestiniens, en réponse, ont eux aussi accompli des "gestes", mais d'un tout autre genre, des gestes criminels et meurtriers: enlèvement et séquestration d'un soldat franco-israélien, tirs quotidiens de roquettes Kassam sur Sderot et ses environs, - où les pertes en vie humaines ne sont empêchées que par des miracles, récidive terroriste de certains (tellement prévisible!) de prisonniers libérés, éducation systématique à la haine antisémite dans les écoles palestiniennes, et surtout, et c'est le plus grave, utilisation des armes livrées par Israël, contre des civils israéliens.

Il y a un mois, quelques jours avant la Conférence d'Annapolis, Ido Zoldan, père de famille était froidement assassiné par des policiers de l'Autorité Palestinienne armés par Israël. Dans un "geste" de bonne volonté, une fois de plus, les autorités israéliennes ont sciemment caché cela jusqu’après le sommet, "afin de ne pas gêner la Conférence et les efforts de paix". Et enfin, au moment même où le président français prononçait ses paroles, deux familles de Kyriat Arba enterraient leurs fils, âgés de 20 et 21 ans, et parmi eux David Rubin, de nationalité française. Leur seul tort avait été de se promener dans la nature un vendredi matin.

Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à dire à M. Sarkozy que sa demande est tout à fait hors de propos. Après tout, n'est ce pas lui qui a dit lors de cette même déclaration"qu’un ami fidèle n'est pas forcément un ami complaisant » ? Disons donc à notre ami sincère Nicolas Sarkozy, qu’une nouvelle politique à l’égard d’Israël pourrait commencer à voir ce pays non pas comme un objet mais comme un sujet.

La communauté grandissante des Francophones israéliens, confrontée comme tous ses concitoyens à la réalité sanglante du processus de « paix », aura sûrement été fort surprise de ce « conseil d’ami » de Nicolas Sarkozy, en qui elle a mis tant d’espoirs, et qui semble ici faire preuve de méconnaissance de ce que sont et font les uns et les autres dans ce conflit.

Ce n’est pas parce que l’on essaie d’être bien avec tout le monde, que les messages que l’on diffuse sont porteurs ou constructifs.

Et comme pour les gestes, il y a parfois des paroles qui sont déplacées, et qui ne manqueront pas d'être interprétées par les Palestiniens comme un encouragement à poursuivre leur stratégie de violence et de terrorisme aveugles.

Sylvain SEMHOUN,

Représentant élu des Français d'ISRAEL,

Conseiller élu a l'Assemblée des Français de l'Etranger [A.F.E].

Ajouter votre commentaire !