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Israël : infos Société

Il faut changer l'éducation des Saoudiens

Le lycée de filles est assez typique de Riyad, la capitale de l'Arabie Saoudite. Les murs sont en béton; il y a des bougainvilliers poussiéreux, une portière en fer, la porte fermée avec un cadenas. A l'intérieur, une cour couverte protège de la chaleur estivale qui approche. Le mur est couvert d'affiches faites à la main avec des logos et slogans d'équipes sportives.

«Tout dans ce monde fait partie d'un système qui gère notre vie» proclame une affiche, qui soutient le personnel de sécurité de l'école. «Les règles sont faites pour être suivies». «Les étudiantes les ont dessinées elles-mêmes!» proclame l'ancien instituteur et consultant pour la réforme de l'éducation Jenan al Ahmad. « C'est ça, Tatweer».

Le mot tatweer peut s'interpréter comme signifiant réforme. Plus précisément, c'est le nom du projet de développement de l'Education Nationale du roi Abdullah bin Abdul Aziz - un programme nanti d'un budget de 2,4 milliards de dollars qui vise à changer radicalement la formation de près de 5 millions d'élèves.

L'objectif affiché de Tatweer est d'améliorer la qualité du baccalauréat en Arabie Saoudite - dans le contexte d'une explosion démographique (plus de 70% des habitants du pays ont moins de 30 ans) et avec la perspective d'une chute des revenus pétroliers. Le royaume a besoin de jeunes pourvus d'un esprit critique, préparés pour un marché de travail moderne et diversifié.

Le principe sous-jacent est que pour produire de tels diplômés, le curriculum devrait être moins focalisé sur la religion, ou tout du moins sur la version exclusive et monolithique de l'Islam qui a dominé l'Arabie Saoudite depuis les années 1980.

Appelée le wahhabisme salafiste par les chercheurs, cette version de l'Islam est basée sur l'enseignement de Mohammed ibn Abd el-Wahhâb, né près de ce qui est maintenant Riyad il y a plus de 300 ans, qui cherchait à «purifier» l'Islam des «innovations» telles que la pratique chiite des fêtes de deuil autour des imams ou le rituel soufi consistant à chanter les prières.

Dans les années 1960 et 70, le wahhabisme a fusionné avec le mouvement égyptien plus radical du salafisme - un retour à la pratique de l'Islam des trois premiers siècles de son existence -quand l'Arabie Saoudite a donné refuge aux radicaux égyptiens qui fuyaient la vague de sécularisme nationaliste qui touchait leur pays natal.

Aujourd'hui, les wahhabites salafistes exercent presque tout le pouvoir dans les ministères de l'éducation et de la justice saoudiennes - et au sein de la police religieuse. Des milliers d'enseignants, de juges et de cheiks rappellent en permanence au public que l'Islam pratiqué en Arabie Saoudite est le seul véritable Islam, et toute personne qui diverge de cette foi est un infidèle. Dans certains cas, que l'on a déterminé, ces infidèles méritent la punition.

Cette vision de l'Islam a prospéré sans contrainte en Arabie Saoudite, même après qu'il ait été établi que 15 des 19 auteurs des attentats du 11 septembre étaient saoudiens.  Ce n'est que deux ans après que les choses ont commencé à changer.

Tard dans la nuit du 12 mai 2003, trois bombes cachées dans des voitures ont explosé dans des résidences dans différents coins de Riyad.  Dans une de ces résidences, des insurgés sont sortis des gravats et ont attaqué les maisons des médecins, des infirmières et des contractuels employés par le Ministère de la Défense, tirant à l'aide d'armes automatiques sur les familles qu'ils ont trouvées à l'intérieur.

Pendant trois ans, des insurgés que l'on soupçonne d'être affiliés à «al-Qaida en Arabie Saoudite» ont lancé des douzaines d'attaques à travers le pays.  Un ingénieur américain a été décapité.  Un journaliste de la BBC s'est fait tiré dessus à plusieurs reprises en plein jour.

Et les cibles des insurgés n'étaient pas toujours étrangères. Beaucoup étaient saoudiennes. En tout, 90 civils et 74 policiers saoudiens sont morts. Des centaines d'autres ont été blessés. Tout d'un coup, les dirigeants de l'Arabie Saoudite ont été obligés de se poser des questions.

«Des membres de la communauté ont essayé de comprendre où ils s'étaient trompés, et comment des idéologies extrémistes s'étaient infiltrées dans la société saoudienne» a écrit le professeur saoudien Mohammed Zayed Youssef.

L'étude approfondie du système d'éducation nationale réalisée par Youssef a révélé que non seulement il enseignait la haine contre les Chrétiens et les Juifs, mais qu'il semait «de la haine entre les Musulmans». Ce cursus a été «exclusivement orienté sur une école de pensée, ne tenant aucun compte des principes de dialogue et de respect entre les Musulmans» a écrit Youssef.

Prenant tout cela en compte, les dirigeants du royaume ont engagé une vague de réformes, lentes mais tangibles, qui continue aujourd'hui - une action menée par le roi lui-même.

En 2006, le roi Abdullah bin Abdulaziz a lancé le programme de réforme de l'éducation Tatweer et a annoncé qu'il serait mené par un organisme indépendant, qui ne relève pas du ministère de l'Education, hypertrophié et conservateur.  Le programme visait à former des jeunes intelligents, modernes, prêts pour le marché du travail, mais aussi de jeunes citoyens plus ouverts à d'autres interprétations de l'Islam et, par la suite, moins enclins à commettre des actes de violence.

Le projet est très ambitieux; et les affiches du lycée de filles à Riyad le traduisent.  Une telle transformation ne sera pas simple.

La cloche sonne pour la récré, et un chahut de voix emplit la cour. Des adolescentes traînent autour d'une scène avec des rideaux rouges en velours où se tiennent les stands des différentes activités extra-scolaires.

C'est une école Tatweer, ce qui veut dire que c'est une ancienne école qui a rouvert l'année dernière avec un programme-pilote qui teste les réformes afin d'en observer les résultats.

«Tatweer est génial!» s'enthousiasme Mishaal al Suweidan, 16 ans, à la vue d'un groupe d'enseignants et d'administrateurs. Chaque étudiant reçoit un ordinateur portable, dit-elle. Et les étudiants participent maintenant à un «apprentissage collectif» dans lequel l'enseignante leur soumet des cas pratiques, sollicite leurs réponses et en débat avec elles. Suweidan dit qu'elle veut être dessinatrice un jour - faire des dessins animés pour la télévision, comme son frère.

Les ressources matérielles ne manquent pas pour les étudiantes comme Suweidan: l'accès wi-fi, un robot à construire soi-même, et un labo scientifique où sont stockés par leur prof de biologie des spécimens. Mais après des heures de visite et d'entretiens avec des étudiantes et des enseignants, il y a très peu de preuves que la réforme soit allée plus loin que l'achat de nouveaux gadgets - où que l'école ait attaqué la question cruciale de la place de l'idéologie religieuse dominante qui est à la base de tout enseignement en Arabie Saoudite.

Pendant une pause café dans le bureau de la directrice, l'enseignante en études islamiques Mayala al Qubeiri me dit qu'elle applique plus ou moins le même programme qu'elle enseigne depuis 14 ans.  Aujourd'hui, elle demande aux étudiantes de chercher sur le web des exemples du bien et du mal.  Mais, à la fin de la journée, on fait confiance aux cheiks pour savoir.

A l'étage, dans un cours d'études islamiques, une autre enseignante utilise un tableau électronique tout neuf pour énumérer les vieux principes du wahhabisme salafiste. «Il ne devrait y avoir personne entre vous et Dieu » dit elle, une référence à peine voilée aux «infidèles» chiites ou catholiques qui pratiquent leur foi via ces «intermédiaires» que sont les imams ou les prêtres.

«Il n'y a qu'une seule voie pour accéder à Dieu.»

Pendant que le groupe qui me guide dans cette découverte de Tatweer m'éloigne de cette salle de cours, je ne peux pas m'empêcher de me demander si l'idéologie religieuse reste inchangée dans une «école modèle» (dans un quartier riche près d'une des meilleures universités du pays), quels véritables changements sont possibles dans les dizaines de milliers d'écoles de quartier dans le reste de l'Arabie Saoudite' Qu'est-ce qu'on a accompli ces trois dernières années depuis le lancement de Tatweer'

Par Kelly McEvers, basée à Riyad correspondante au Moyen-Orient de la National Public Radio américaine. Son reportage a été financé par l'International Center for Journalists.

Traduit par Holly Pouquet

Image de Une: Ecole primaire à Jeddah  Reuters

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 58 minutes