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Israël : infos Société

C'est quoi la «rue arabe»?

L'Égypte et la Tunisie sont plongées dans les
affres d'une révolution, tandis que leurs citoyens en colère se mobilisent pour
évincer leurs chefs d'État et leurs sbires au pouvoir depuis des lustres. Les
manifestations massives ont de nouveau inspiré moult discours sur la «rue arabe», métaphore commode
servant à décrire l'opinion populaire dans le monde musulman. D'où vient cette
expression'

Des Arabes eux-mêmes. En 2009, les
professeurs Terry Regier de l'U.C. Berkeley et Muhammad Ali Khalidi de la York
University du Canada ont publié un article retraçant les origines et les usages
de l'expression rue arabe (PDF). Ils ont découvert
que les journaux arabophones utilisent régulièrement la rue pour évoquer
l'opinion publique, et pas seulement en référence aux musulmans. Les
journalistes des pays arabes écrivent aussi des articles sur l'humeur de la
«rue britannique», de la «rue américaine» et de la «rue israélienne».

Cela ne signifie pas que la
formulation vienne nécessairement de l'arabe. L'origine de l'expression est un
peu confuse. Pour l'Oxford English Dictionary c'est Wyndham Lewis, écrivain et peintre
anglais, qui a le premier parlé de «la rue» en référence à l'opinion publique. Dans
un livre de 1931 favorable à Adolf
Hitler, Lewis notait que les hommes
politiques démocrates ne pouvaient supprimer le dirigeant fasciste à cause de sa
«maîtrise de la rue». A l'instar de ses sentiments pro-Hitler, la tournure de
phrase de Wyndham n'a pas pris en Angleterre ou aux États-Unis, mais la
métaphore est apparue en arabe dans les années 1950. Les éditorialistes
libanais utilisaient la rue pour évoquer la classe ouvrière réprimée
dans le monde musulman.

Quand les politologues américains
ont repris la métaphore dans les années 1970, elle n'était appliquée qu'au
monde arabe. Robert R. Sullivan, professeur à la City University of New York, disserta
sur l'utilisation de la propagande radiophonique dans la «mobilisation de la
rue arabe» dans un article de 1970 destiné à The Review of Politics. Steven J. Rosen utilisa l'expression en 1977 dans
un article de l'American Political Science Review. À cette époque, le
mot rue était généralement encadré de guillemets, laissant entendre que
les auteurs empruntaient le concept aux médias arabes.

La métaphore s'est déplacée dans
les médias grand public occidentaux à la fin des années 1980. Avant 1987, les
journalistes américains se référaient à «l'opinion publique arabe» plutôt qu'à
la rue. La métaphore s'est popularisée quand la nouvelle de la première intifada palestinienne
a été rendue publique. Son usage s'est intensifié pendant l'invasion du Koweït
par l'Irak en 1990, puis de nouveau après le 11-Septembre. En 2006, les journalistes
utilisaient cette métaphore dans la majorité de leurs descriptions du sentiment
populaire dans le monde arabe, nous disent Regier et Khalidi.

Les deux chercheurs identifient également
une différence de ton entre l'utilisation arabe et anglaise de l'expression. En
anglais, la rue arabe est très souvent associée à l'inconstance et au grabuge. Elle
est susceptible «d'exploser», ou de «se soulever» quasiment sans préavis. Si les
auteurs arabophones utilisent aussi parfois cette image, ils ont bien plus
tendance à glorifier la rue, de la même manière que les politiciens américains
évoquent avec chaleur Main Street, U.S.A [pour évoquer le peuple américain]. Le
journal yéménite Al-Ayyam qualifie la
rue égyptienne de «c'ur et conscience des Arabes». Le chef du Hezbollah Hassan
Nasrallah a même évoqué la rue israélienne sur un ton approbateur.

Brian Palmer

Traduit
par Bérengère Viennot

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Dernière mise à jour, il y a 59 minutes