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Israël : infos Société

Les sondeurs vivent en vain

Difficile de comprendre quelle mouche a piqué
les médias français. Sur la base d'un simple sondage,
la polémique a été lancée sur le risque que ferait courir à la démocratie la
candidature de la nouvelle présidente du Front national.

Marine Le Pen arrivant en tête à l'élection
présidentielle de 2012? Impensable pour l'électeur bien-pensant qui lit avec
effroi les prédictions hasardeuses donnant déjà le vainqueur d'un scrutin qui
aura lieu dans 14 mois. L'affaire est grave, la démocratie est en danger et le
sang impur doit couler à nouveau car les sillons ont soif. Est-il possible
d'accorder du crédit à ce sondage perturbant, et dans quelle mesure les
sondages restent-ils le dernier contact des médias avec l'opinion publique'

Sondages à messages

On ne compte pas les sondages passés sous
silence parce qu'ils n'arrangent pas le commanditaire. Lorsqu'ils sont publiés
et autant commentés que celui plaçant Marine Le Pen en tête des candidats à la
prochaine présidentielle, c'est qu'on veut obtenir un certain effet.

Pour le journal, le buzz a été réussi, et
on peut comprendre son intérêt à publier un sondage repris dans tous les
médias. Il faut toutefois comprendre pourquoi ce sondage en particulier a
tellement agité l'opinion publique.  

Un sondage fonctionne d'abord comme un
message. Le sondage peut provoquer un effet boule de neige, l'effet Bandwagon en communication de masse, et
les indécis se trouvent alors encouragés à emboîter le pas aux électeurs du
Front national, ce qui peut provoquer une prophétie auto-réalisatrice.

Mais un sondage publié peut également, comme
il semble que ce soit l'objectif dans ce cas, favoriser la prise de conscience
de certains électeurs qui voudront contrer ce qui représente à leurs yeux une
menace contre la démocratie. 

Idéalement, le sondage devrait influer non sur
les électeurs, mais sur les politiques qui devraient alors évoluer pour lutter
contre la montée des extrêmes en écoutant le message lancinant du Front
national, en particulier sur la corruption.

On peut douter de l'effet salvateur des
sondages en voyant les réactions rapides de nos élus: Jean-François Copé note
que le
sondage donne la droite gagnante en additionnant Nicolas Sarkozy à
Dominique de Villepin. Quant à la gauche, elle accuse tout naturellement le
gouvernement de ne pas en faire assez, ou d'en faire trop, c'est selon.

C'est donc l'électeur qui est invité à ne pas
voter FN parce que c'est mal, pas les politiques qui devraient justement
prendre en compte un vote qui semble rejeter les deux partis majoritaires dans
la vie politique française.

Monter au front

Le Front national possède une grande utilité dans
la vie politique française: il permet de se positionner moralement. Lorsqu'on
est contre ses idées, quelles qu'elles soient, on est alors dans le bon camp,
celui des antiracistes, des gens ouverts qui vont vers l'Autre.

Si on vote FN, alors même que les raisons sont
diverses, on n'est soit pas pris au sérieux parce qu'il s'agit d'un vote
contestataire, soit au contraire considéré comme un dangereux ennemi de la
démocratie.

Aucun autre parti ne dispose de cette puissance
évocatrice, pas même à l'extrême gauche qui ne fait peur à personne, peut-être
pour ses divisions, sûrement pour ses scores faibles mais aussi certainement
parce que les partis situés de ce côté de l'arc en ciel politique ne sentent
pas le soufre comme leurs homologues de l'opposé.  

Le Front national n'existe que pour inciter
encore plus au clivage, au vote utile, et au final sert à atténuer la
démocratie en forçant à choisir entre deux partis majoritaires. Ceux-ci sont
prompts à battre le rappel pour exiger de l'électeur qu'il ne commette pas le
grave péché de ne pas voter pour eux, sans pour autant qu'ils soient disposés à
changer quoi que ce soit dans leur mode de fonctionnement ou leurs idées.

Confiture à média

Pour les médias, le Front national représente
une sorte de feuilleton comme du temps d'Alexandre Dumas.

Au fil des ans, on a connu sa création, sa
montée que l'on doit toujours qualifier d'inexorable comme dans le dictionnaire
de Flaubert, ses malheurs financiers, ses règlements de comptes, ses trahisons
par Mégret ou Lang, et enfin la renaissance avec le passage du flambeau (sic) à
la digne fille du Menhir.

Ce sondage est donc le dernier rebondissement
de la vie de la famille que l'on aime haïr. Un peu comme avec J.R. de Dallas, la vie politique se doit
d'inclure un méchant vraiment méchant, même si on admet à mi-voix qu'il a du
charisme ou même, comme son ami Claude Chabrol le confiait, que c'est d'abord
un fout-la-merde,
personnage sympathique se posant contre l'ordre établi prisé de ces Français
indisciplinés.

Le fait que la fille succède au père, comme au
sein de n'importe quelle famille de l'ancien régime, montre que les électeurs
du Front national, mais aussi les électeurs français en général, se sont
attachés aux Le Pen, malgré leurs débordements parfois insoutenables.

Cette curiosité malsaine pour les excès de
Jean-Marie et de Marine a donc créé un mouvement dans les médias qu'aucune
autre dynastie politique ne pourrait susciter. Martine Aubry a succédé à
Jacques Delors sans que sa personne ne passionne ni les médias, ni l'opinion
publique.

Il faut donc se rendre à l'évidence: les Le
Pen, à l'instar des Grimaldi d'autrefois, font partie des familles françaises
qui suscitent les passions. Il n'est que de voir la violence des forums prenant
parti pour «Marine» ou au contraire l'assimilant à une poissonnière
pour s'en rendre compte.

Enfin, ce que l'on peut retenir aussi de ce
sondage, c'est qu'une partie des Français aurait déjà décidé de voter pour des
candidats sans même connaître leur programme. Il est permis de penser que,
comme souvent, le vote en 2012 se fera sur la personnalité des candidats et sur
leurs déclarations passées plutôt que sur une proposition politique.

Le cirque médiatique que perpétue Marine Le
Pen en reprenant le rôle de son père, imitée en cela par Jean-Luc Mélenchon et autres provocateurs, montre que les Français
restent sensibles au verbe haut. L'électeur français n'est donc peut-être pas
aussi matures en politique qu'ils aimeraient le faire croire aux peuples en
transition de l'autre côté de la Méditerranée.

Etienne Augé

(Le
titre de cet article est emprunté à un roman de Cordwainer Smith,
écrivain majeur de science-fiction mais aussi expert réputé en opérations
psychologiques)

Retrouvez ceux qui feront 2012 sur Wikipol.

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Dernière mise à jour, il y a 54 minutes