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Israël : infos Société

Sarkozy, l'islam et le défoulement permanent

Nicolas Sarkozy
a perdu la main auprès des autorités religieuses du pays. Il s'en était fait
des alliés, enthousiastes du côté juif, partagés chez les musulmans, réservés
chez les catholiques et les protestants. L'échec annoncé du débat sur la
laïcité qui, malgré les oppositions et les excusés, se tiendra le 5 avril ne
laissera pas seulement des traces au sein d'une majorité divisée.

Ce débat imposé
au forceps, nourri par une méfiance de l'islam qui ne veut pas dire son nom,
dicté par la stratégie qui consiste à regagner du terrain sur le Front national
indispose aussi les responsables religieux. Ceux-ci viennent de dénoncer une
opération politicienne sur un terrain ? la laïcité ? qui, après des décennies
de combat, était redevenue consensuel et a déjà fait l'objet de toutes sortes
de commissions, de rapports et de débats.

Opération inopportune
à quelques mois d'une échéance électorale capitale, quand la France doit faire
face à tant de difficultés plus réelles. Comment expliquer un tel fiasco sur un
terrain que, par sa personne, Nicolas Sarkozy avait réussi à déminer'

Dans son livre
de 2004 intitulé La République, les
religions, l'espérance (aux éditions du Cerf), Nicolas Sarkozy, alors
ministre de l'intérieur, avait montré toute l'estime qu'il portait aux religions
et sa volonté d'en finir avec la laïcité anticléricale d'autrefois. La religion
est un fait de culture et d'identité, disait-il. Elle fonde des valeurs et des
engagements bénéfiques pour toute la nation.

Responsable des cultes,
il entretenait les meilleures relations avec les autorités religieuses, prenait
parti dans le débat pour l'enseignement des religions à l'école publique, donnait
les coups de pouce nécessaires à l'organisation de l'islam de France dont il était
devenu l'architecte, obtenant même, après des années de laborieuses tractations,
l'élection d'un Conseil français du culte musulman, qui fait toujours office de
représentation.

Devenu président
de la République, il saluait en toute occasion le modèle français de laïcité -
neutralité de l'Etat dans l'exercice des cultes, respect absolu de la liberté
des consciences. A la basilique du Latran à Rome, le 20 décembre 2007, il
flattait les racines chrétiennes de la France - ce qu'il vient de refaire au
Puy-en-Velay -, exaltait avec excès le rôle éducatif du curé jugé supérieur à
celui de l'instituteur.

Le 14 janvier
suivant à Ryad, il louait la modération de l'islam saoudien et citait à douze
reprises le nom de Dieu, faisant scandale chez les laïcs en tenant pour une
évidence que «Dieu est au c'ur de chaque
homme». Au même moment, il lançait son concept de « politique de civilisation » qui
n'aurait aucune chance d'aboutir si la dimension religieuse de l'homme n'était
pas respectée et si le jeu des forces confessionnelles était ignoré. 

En septembre 2008,
devant le pape Benoît XVI à l'Elysée, il se faisait l'avocat d'une «laïcité positive», encourageant la
participation de toutes les religions aux questions qui divisent la
société : immigration, éducation, bioéthique, etc.

Ainsi Nicolas
Sarkozy développait-il une vision de la laïcité assez différente de celle qui
avait fini par s'imposer après un siècle de crise en France. Déjà certains lui
prêtaient des intentions «concordatrices» dans la lignée d'un Napoléon qui avait
une vision politique et cynique de la religion, conçue comme nécessaire au bon
fonctionnement de la nation.

On le disait
même proche d'un Charles Maurras (1868-1962), admiratif de l'?uvre
civilisatrice de l'Eglise catholique, faisant de la religion l'instrument de
l'ordre et du salut public. On lui prêtait enfin un rêve de «religion civile» à
l'américaine. La Constitution des Etats-Unis sépare nettement la religion de
l'Etat, mais une «religion civile» existe bien outre-Atlantique qui exclut
toute suprématie confessionnelle, mais place sans complexe la religion au c'ur
de la sphère publique.

Burqa, prières dans la rue, et surenchères

Qu'en est-il
aujourd'hui après le lancement tumultueux du débat sur la laïcité par l'UMP,
aussi étriqué est-il devenu - il durera deux heures - à la suite des polémiques
qui ont surgi sur son opportunité et son utilité? La grande ambition de Nicolas
Sarkozy, qui était de réviser l'exercice de la laïcité dans un sens plus
moderne, sans toucher à la loi-monument de 1905, est en train d'échouer.

Le
camouflet des responsables religieux qui ont décidé de boycotter ce débat de
l'UMP est un profond désaveu. La cause en est l'islam devenu le miroir de
toutes les obsessions de la droite et de l'extrême droite. Après l'interdiction
générale de la burqa, les prières dans la rue dénoncées par Marine Le Pen, aussi
marginales soient-elles et trahissant surtout un déficit de lieux de cultes,
ont ouvert la voie à toutes les surenchères. 

Il ne s'agit pas
de nier les difficultés d'intégration de l'islam dans la République laïque, ni
le poids des minorités extrémistes, ni la montée de revendications spécifiques
que n'ont pas prévue les règles de la laïcité, mais le risque est grand de montrer
du doigt une population dont la majorité est intégrée et accepte les lois politiques
et religieuses de la France. Le péché originel de ce débat sur la laïcité est bien
le risque de stigmatiser une religion et, par ricochet, de porter atteinte à
l'image pacifique de toutes les autres. D'où cette abstention des autorités
religieuses. 

La stratégie
politique de Nicolas Sarkozy - retenir ses électeurs attirés par le Front national
- a fait le reste. Son grand projet de «laïcité positive» à la française rejoint
le cimetière des plus belles promesses et c'est le retour à une laïcité
étroite, craintive, étriquée qu'il faut aujourd'hui redouter.

Car que faut-il
attendre d'un tel débat sur l'islam ? n'en doutons pas, c'est de lui seul qu'il
s'agit ? qui, même maîtrisé, risque de donner lieu à des dérapages verbaux. Sur
les «prêches intégristes» dans les mosquées
prononcées en langue arabe. Sur la multiplication des prières dans la rue et
des écoles coraniques. Sur l'appel à des bailleurs étrangers pour la
construction de mosquées. Sur la hausse des revendications à la viande halal
dans les cantines scolaires. Sur les refus abusifs de médecins hommes dans les
hôpitaux pour soigner des femmes. Sur les horaires spécifiques réservées aux
femmes dans les piscines.

Exercice de défoulement

A défaut de pouvoir
traiter sereinement chaque question et toucher à la loi de Séparation considérée
comme intouchable, ce débat risque de tourner à l'exercice de défoulement des
malaises et des peurs. Dans le meilleur des cas, il aboutira à l'adoption d'une
résolution destinée à rappeler les principes républicains et à la rédaction
d'un code de la laïcité. Il y a pourtant des questions urgentes à régler.

Sur la formation
des imams où tout reste à faire et sur le financement des lieux de culte où
des solutions provisoires s'esquissent déjà comme l'attribution de baux
emphytéotiques par les collectivités locales à des associations qui veulent financer
leurs propres mosquées.  

Dans ce débat,
il y a un fil rouge inavoué: l'instrumentalisation politique de l'islam qui font
se lever contre elle l'opposition, une bonne partie de la majorité, certains
ministres dont le Premier - qui s'abstiendra de participer au débat - et
l'ensemble des religions qui sentent peser sur elles comme une menace diffuse. Quand
on mesure les limites du débat d'aujourd'hui sur la laïcité, on se prend à
penser que le discours de Nicolas Sarkozy sur les religions obéissait moins à
une conviction personnelle qu'à la nécessité de se plier aux contraintes de l'agenda
politique. 

Henri Tincq

Sur SlateAfrique: «Porter l'étoile verte' Et puis quoi encore!»

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 35 minutes