Le pouvoir islamiste s’accommode très bien des restrictions imposées par Israël. L’économie des tunnels lui assure des rentes solides.

Longtemps négligé, faute de clients, l’Hôtel Commodore de Gaza a retrouvé son éclat. L’établissement, idéalement situé sur le front de mer, accueille désormais les réceptions de la bourgeoisie du Hamas. Son nouveau propriétaire s’appelle Abdel Aziz al-Khaldi, un investisseur richissime et partisan du mouvement islamiste. Considéré comme l’un des intermédiaires du Hamas, l’homme rachète à tour de bras terrains et biens immobiliers.

«Les gens du Hamas ont les poches pleines, assure Nasser el-Helou, un entrepreneur de Gaza, qui s’est vu proposé de vendre l’hôtel Al-Qods, dont il est propriétaire. Ils investissent leurs liquidités dans l’immobilier. Cela permet d’éviter que ces fonds soient gelés par les banques. »

L’économie des tunnels

Ruiné par le blocus, Nasser el-Helou se voit supplanté par l’économie des tunnels où transitent 70 à 80% des produits disponibles à Gaza. Tout ce que les Israéliens ne laissent pas entrer – chocolat, ordinateurs, vêtements, carburant – passe par les galeries de Rafah. Une industrie souterraine étroitement contrôlée par le Hamas. «Le blocus contribue à enraciner de plus en plus profondément le Hamas à Gaza. Les grands esprits derrière cette stratégie d’isolement ont fait l’erreur de leur vie», lâche-il avec amertume.

Quand le Hamas a renversé l’Autorité palestinienne en juin 2007, Israël a fermé les points de passage vers la bande de Gaza, n’autorisant plus que les produits de première nécessité. L’économie s’est effondrée. L’objectif affiché était d’asphyxier le Hamas.

Deux ans plus tard, le pouvoir islamiste s’accommode fort bien de ces restrictions. Le gouvernement Hamas de Gaza règle ses 30 000 salariés rubis sur l’ongle, alors que les retards de paiement de l’Autorité palestinienne de Ramallah, sous perfusion de l’aide internationale, sont proverbiaux.

Le secret de cette opulence? «Nous avons beaucoup d’amis», concède, évasif, le ministre de l’Economie, Ziad el-Zaza, à la tête d’un budget de 20 à 30 millions de dollars par mois, en grande partie couvert par des contributeurs étrangers. «L’argent ne passe pas par les banques. Nous n’avons pas de difficulté à contourner le contrôle israélien», sourit-il.

L’argent transite par les tunnels de Rafah ou parfois dans les valises des dirigeants du Hamas, comme Ayman Taha, l’un des hauts responsables du mouvement, arrêté à la frontière égyptienne avec plus de 10 millions de dollars en espèces.

Conséquence, le Hamas n’est guère pressé d’abandonner le pouvoir et vient de rejeter l’appel du président Mahmoud Abbas à organiser des élections générales le 24 janvier prochain.

La pauvreté s’étend

Pour la population, en revanche, la misère s’envole. Le nombre de Palestiniens de Gaza vivant sous le seuil «d’extrême pauvreté» (1 fr. 20 par jour) a triplé depuis le début de l’année, passant de 100 000 à 300 000 personnes, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwra). L’agence a même mis en place une collation dans ses écoles de Gaza: un sandwich, un fruit et un verre de lait. Trop d’enfants venaient à l’école le ventre vide.