Près de 120 leaders du monde juif, dont une importante délégation française, ont participé, du 20 au 22 octobre dernier à Jérusalem, aux travaux de la conférence internationale sur l'avenir du peuple juif, organisée par l'Institut de Politique de Planification du Peuple juif (JPPPI).

Les participants ont pu débattre de thèmes divers, certains très généraux comme " la dimension juive ", et d'autres plus précis comme le dossier des " conversions, entre crise et dialogue ". L'un des cinq ateliers, supervisé par le Dr Dov Maïmon, lui-même chercheur au JPPPI, a été consacré à l'avenir du judaïsme européen et a réuni plusieurs personnalités juives prestigieuses venues essentiellement de France parmi lesquelles Pierre Besnainou, Richard Prasquier, l'ambassadeur Danny Shek, son successeur à Paris Yossi Gal, Jacques Attali, Shmouël Trigano et le Dr Daniel Sibony. Détail frappant et surprenant : à l'exception du rav Abe Dunner, directeur général de la Conférence des Rabbins Européens, pas un seul rabbin n'était présent autour de la table pour débattre d'un dossier aussi préoccupant que l'avenir des relations entre Israël et les communautés juives européennes !

D'ailleurs, comme l'a fait remarquer le rav Dunner, même dans les autres ateliers, les rabbins ont brillé par leur absence ! Interrogé par Hamodia à ce propos, le Dr Dov Maimon a reconnu de facto que très peu de rabbins avaient été conviés à participer aux travaux de cette conférence, " que les rabbins n'auraient pas pu assister aux travaux sur les conversions "(à cause des positions exprimées dans cet atelier/ndlr), et que " certaines personnalités rabbiniques contactées et invitées n'avaient pas donné suite… " Pour le rav Dunner, il ne fait pas de doute : " En n'invitant pas de rabbins, ni du monde orthodoxe ni du monde sioniste-religieux, les organisateurs ont commis une erreur…. Comment peut-on raisonnablement débattre de la cassure entre le monde religieux et le monde laïc en Diaspora sans inviter quelques rabbins parmi 120 participants ! " a déploré le rav Dunner.

Dans son intervention, lors du débat sur la relation entre Israël et le judaïsme européen, le président du FSJU, Pierre Besnainou a posé une question-clé en rappelant qu'au cours d'une rencontre avec Ariel Sharon, en 2005, celui-ci lui avait demandé d'œuvrer en France " pour que les Juifs restent juifs ": " La grande question, a dit Pierre Besnainou, est de savoir comment faire pour que les Juifs restent juifs ". Malheureusement, comme l'a regretté là encore le rav Dunner, la suite de la discussion a été tronquée, aucun des intervenants ne mentionnant la tradition juive comme paramètre incontournable de la préservation, à long terme, d'une l'identité juive en Diaspora.

Dans son intervention, Pierre Besnainou a également rappelé que cette conférence se réunissait pour la troisième fois, qu'un rapport de mille pages avait été préparé par Dov Maïmon sur l'avenir du judaïsme de Diaspora et qu'après cette masse de travail de réflexion et de recherche, et la présentation d'un programme au gouvernement israélien en novembre 2009, l'heure était venue de passer de la parole aux actes. Une " critique " partagée par le rav Dunner : " Les organisateurs voulaient des idées pour préserver le peuple juif en Diaspora. Moi je leur ai expliqué qu'il fallait cesser de parler et commencer à agir. Je leur ai dit comment, par exemple à Miami, un mouvement orthodoxe a créé une école juive destinée uniquement aux enfants des Israéliens qui vivent dans cette ville et comment à travers l'enseignement que les enfants ont reçu, les parents qui étaient laïcs se sont rapprochés de la pratique religieuse ".

Le rav Dunner a suggéré aux organisateurs du JPPPI qui, selon lui, craignent pour l'avenir du peuple juif en Diaspora, de travailler en étroite collaboration avec les communautés juives locales. Dans l'atelier européen, les participants sont parvenus à trois conclusions essentielles : d'abord, que le judaïsme européen et en particulier le judaïsme français n'avaient pas de véritables projets d'avenir pour leurs communautés; ensuite, qu'il était nécessaire pour le judaïsme européen de se doter d'un leadership professionnel et enfin que ce judaïsme devait se rassembler dans une institution représentative sur le modèle de la Conférence des présidents des organisations juives américaines… Il sera intéressant de vérifier, l'an prochain la capacité d'un organisme aussi prestigieux que le JPPPI à concrétiser, sur le terrain, de telles résolutions…
D.H.

L'action de la Conférence des rabbins européens
Cela fait 14 ans que le rav Abe Dunner dirige la Conférence des rabbins européens. Lorsqu'il parle du grand rabbin Yossef 'Haïm Sitruk qui préside l'association, son visage s'illumine : " En prenant la présidence de notre organisation, le grand rabbin Sitruk l'a dopé et lui a donné la dimension qui est la sienne actuellement. La Conférence rassemble aujourd'hui plus de 600 rabbins…Nous sommes actifs dans de nombreux domaines indispensables aux communautés juives de Diaspora. Nous disposons d'un Beth Din " mobile " qui se déplace dans les communautés les plus éloignées des grands centres de vie juive en Europe. Ce Beth Din traite de tous les problèmes de divorce et de conversions. Nous construisons de nombreux mikvaot dans certaines petites communautés européennes qui n'ont pas les moyens de se lancer dans un tel projet.

Enfin, nous sommes très actifs dans la préservation de la mémoire de la Shoah en particulier dans le cadre de l'association " Lo Tishka'h ''(Tu n'oublieras pas) "explique le rav Dunner qui fut dans le passé l'un des dirigeants mondiaux de l'Agoudat Israël.

Daniel Haik