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Les "Chuetas" de Majorque ou les Juifs Malgré eux
Les "Chuetas" de Majorque ou les Juifs Malgré eux

Majorque ! Pour beaucoup ce nom évoque l'exotisme à la porte, les vacances et le tourisme de masse. Les agences de voyage en vantent le charme et la beauté. Pour les amateurs d'histoire, il évoque le séjour de quelques personnalités historiques célèbres tels le musicien Frédéric Chopin et la romancière qui signait " George Sand ".


Pourtant, parmi les centaines de milliers de touristes qui s'y pressent chaque année, bien peu savent que l'île de Majorque est le théâtre d'une anomalie historique unique au monde: la persistance jusqu'à nos jours d'une communauté de descendants de juifs convertis de force au catholicisme en 1435: les Chuetas. Ce sont des " juifs malgré eux ".

A l'inverse des Marranes du Portugal, qu'évoquait un de nos récents numéros, ils n'ont gardé aucune tradition abâtardie du judaïsme de leurs pères si ce n'est qu'ils pratiquaient jusqu'à il y a peu d'étranges coutumes qu'eux-mêmes étaient incapables d'expliquer et qui se transmettaient de génération en génération sans explication aucune. On peut donc parler à leur endroit de " crypto-juifs " (juifs cachés). Juifs, les Chuetas ont cessé de l'être depuis 1691, date des derniers autodafés (actes de foi: cérémonies religieuses solennelles au terme desquelles les condamnés étaient " relaxés au bras séculier " pour être brûlés vifs). Aujourd'hui les descendants des " Chuetas " sont de bons catholiques, ou, pour la majorité des jeunes, indifférents à toute forme de religion, et pourtant on continue dans l'île à les appeler " les Juifs ", " nous avons même eu un maire juif " disait un chauffeur de taxi ! L'existence des " Chuetas " jusqu'à nos jours semble justifier la thèse célèbre de J.P. Sartre selon laquelle, est juif celui que les autres considèrent comme tel. Cette thèse, un peu courte, convient en tout cas aux Chuetas: il ne sont restés juifs que parce que les autres l'ont voulu ainsi.

Condamnés à l'ignominie pour l'éternité, eux et leurs descendants

Le mot " Chuetas " est une injure. En vieux Majorcan cela signifie " porc ". C'est le nom donné aux descendants des 15 condamnés du dernier autodafé de 1691. Pour le malheur de leurs descendants, le hasard voulut que le Sambenito, vêtement d'infamie que tout condamné portait lors de la cérémonie de l'autodafé, que ces quinze malheureux avaient porté lors de cette procession, fut accroché avec leur nom dans le cloître d'une des églises de la ville: Santo Domingo. Quinze patronymes furent ainsi désignés à la vindicte publique qui atteignit tous ceux qui avaient le malheur de porter ces noms maudits jusqu'à il y a un peut plus de vingt ans ! Il s'agit des familles: Aguilo, Arbona, Bonin, Cortès, Forteza, Fuster, Marti, Miro, Pino, Pomaro, Segura, Tarengi, Valenti, Vallemora et Walls. Bien que les Sambenitos aient été détruits en 1813, jusque vers 1970, tous les Majorcans qui portaient un des ces quinze noms étaient appelés " Chuetas " et subissaient un dure discrimination. Un jésuite avait aussi contribué à cette transmission de la haine de génération en génération, il s'agissait du père Garau, un des inquisiteurs des autodafés de 1691, qui avait donné une relation tendancieuse de ce qu'il appelait " la grande conspiration " dans un livre qui porte le titre provocateur de la " fe triumfante " (la foi triomphante). Ce livre fut pendant plusieurs générations le best-seller de Majorque et connut plusieurs rééditions qui contribuèrent à perpétuer de génération en génération l'anti-chuetisme. Il existe donc à Majorque un antisémitisme très particulier qui ne s'exerce pas contre les Juifs venus de l'extérieur et authentiquement juifs - comme les Juifs ashkénazes qui s'établirent dans l'île ces dernières décennies - mais uniquement à l'encontre des descendants de quinze familles de crypto-juifs qui au 17ème siècle tentèrent vainement de revenir au judaïsme, descendants qui aujourd'hui ne sont plus juifs en rien et qui ne veulent pas l'être ! A l'heure actuelle, il y aurait à Majorque environ 300 familles de " Chuetas " et il fallut attendre l'expansion touristique des années 60-70 pour que prenne fin l'anti-chuestisme. Ce sentiment avait été un moyen de contrôle social lié à la fameuse " pureté de sang " dont se targuaient les nobles espagnols. Cet ostracisme qui durant des siècles frappa les " Chuetas " considérés dans l'île comme de véritables parias, relégués dans une sorte de ghetto, " la Call " de Palma, condamnés à l'endogamie (mariage entre cousins) et soumis à mille vexations, a permis à cette étonnante communauté de subsister jusqu'à nos jours. 

La branche morte du Judaïsme

Bien que bons catholiques, les " Chuetas " n'avaient pas le droit d'étudier dans les séminaires et donc de devenir prêtres et quand enfin cette interdiction fut levée, ces prêtres au sang impur dont les ancêtres " avaient tué le Christ " étaient interdits de prédication dans la cathédrale de Palma et dans d'autres églises de la ville ! En 1936, un rabbin érudit américain, Baruch Braunstein, entreprit des recherches sur les Juifs de Majorque et découvrit dans les archives de l'Inquisition à Madrid le double des listes de tous les Juifs de Majorque inquiétés par l'Inquisition. Ce livre fut traduit plus tard en espagnol et en catalan et publié à Majorque où il fit l'effet d'une bombe: 120 autres noms étaient ajoutés à la liste des quinze " Chuetas ": notamment ceux des familles majorquines qui durant des siècles avaient pris grand soin de camoufler leurs origines juives en faisant disparaître jusqu'au archives de l'Inquisition qui auraient porté atteinte à la " pureté de leur sang ". Il n'y avait dès lors pour ainsi dire plus aucune famille de l'île qui pouvait se prétendre " pure " de tout sang juif ! La publication de ce livre en 1965 porta un coup décisif à l'anti-chuetisme dont l'inanité apparut alors au grand jour. Sous l'influence du tourisme de masse, les esprits avaient changé; une ère nouvelle de tolérance et de pluralisme s'ouvrait ...

Aujourd'hui l'aventure des Chuetas s'achève. N'étant plus frappés d'ostracisme, les derniers descendants des condamnés de 1691 s'unissent par mariage avec des non-Chuetas notamment et s'assimilent rapidement dans la société majorquine moderne selon ce que fut depuis 1691 le voeu de leurs ancêtres. La plupart d'entre eux sont totalement indifférents par rapport à leurs origines. Les derniers Chuetas sont trop éloignés du judaïsme pour penser y revenir et, même s'ils vibrent à l'épopée de l'Israël moderne dont ils se sentent proches et qui leur a redonné une légitime fierté, nul ne songe sérieusement à revenir en Israël. Il n'existe à cette règle jusqu'ici qu'une seule exception: " Nous sommes la branche morte du judaïsme " nous disait l'un d'entre eux. L'anti-chuetisme étant mort, les Chuetas n'ont plus d'avenir: ils n'existaient que par cette haine anachronique ! Avant que ne s'achève définitivement l'épopée des Chuetas et qu'elle ne soit recouverte par la poussière de l'histoire, nous avons tenu à rencontrer les derniers représentants de cette communauté. C'est le résultat de cette enquête effectuée à Majorque que nous publions dans ce numéro qui fait suite ainsi à celui consacré aux Marranes du Portugal. Nous tenons à particulièrement à remercier ici tous les amis majorcans, Chuetas ou non, qui ont rendu possible cette enquête, notamment: José Mendez Gonzalez et son épouse Margarita, Antonio Cadaves Marti et tous les autres qui nous ont si aimablement ouvert toutes grandes les portes de leur foyer pour partager avec les étrangers que nous étions les derniers secrets des Chuetas.

Une visite à Majorque juive

Polleça, Inca, Benisalem, Soller, sont de coquets petits villages typiquement majorcans. Quelques familles de Chuetas y résident. Mais la majorité d'entre eux vit à Palma, la capitale, et plus particulièrement dans la " Call ": l'ancien ghetto de Palma. On y accède à partir de la " plaza d'Espagne ", centre de la ville et rendez-vous de tous les Majorcans. Une statue du Roi Jaime 1er qui conquit l'île au XIVème siècle s'y dresse. Depuis la " plaza d'Espagne ", des ruelles étroites sillonnées par des calèches transportant des touristes au travers du vieux Palma donnent accès à la " Call " et débouchent sur une place typique des villes d'Espagne entourée d'arcades: la plaza Mayor que bordent des cafés aux terrasses desquels les touristes sont attablés. C'est dans l'angle Nord-Ouest de cette place que se dressait autrefois le sinistre palais de l'Inquisition qui fut détruit et rasé par la foule majorquine en 1813 quand le vent de la liberté apporté par les Français de Napoléon balaya l'île. On y brûla alors les archives du Saint-Office et tout ce qui pouvait rappeler la barbare institution. Aujourd'hui, seule une rue adossée à cet angle évoque le souvenir de cet orgueilleux palais: " la rue de l'Inquisition ". C'est en dessous de la place actuelle que se trouvaient les sinistres cachots où tant de malheureux subirent les horreurs de la torture et vécurent leurs dernières heures avant l'ultime supplice. De la plaza Mayor on gagne l'église Santa Eulalia que les Majorcans appellent " l'église des Chuetas " et qui est encore fréquentée jusqu'à ce jour par leurs descendants. Là, leurs ancêtres au XVème siècle abjurèrent en masse le judaïsme et furent baptisés. L'église Santa Eulalia donne directement accès à la " Calle de la Plateria " (la rue de l'Argenterie) que les Majorcans appellent aussi " rue des Juifs ". Les ancêtres des Chuetas y pratiquaient déjà le métier d'orfèvre dont les juifs avaient le monopole et que leurs descendants exercent encore. Sur le plan socio-économique les Chuetas ont continué à pratiquer les métiers traditionnels des juifs. Au Moyen Age, les Juifs avaient développé à Majorque une célèbre école de cartographie dont le plus célèbre représentant était Isaac Cresques, dont les cartes rendirent possibles les voyages de Christophe Colomb.

Lire la suite sur : http://www.sefarad.org/publication/lm/029/majorque.html

Source : Jean-Marc Thorbois pour Sefarad.org

38 commentaires
Ce texte n'est pas exact. Certains descendants des xuetes retournent au judaïsme. le plus célèbre étant le rabbin Nissan ben Abram. Mais il y en a d'autres et j'en suis un exemple. Je suis revenue au judaïsme et l'un de mes fils vit en Israël et comme j'ai plusieurs petits enfants la "branche morte" du judaïsme bouge encore !
Envoyé par Denise_012 - le Jeudi 10 Mars 2011 à 09:24
L'Espagne n'a pas beaucoup évolué depuis les 500 dernières années. Un groupe de quelques familles de vacanciers juifs de France qui avaient loué des appartements au bord de la mer près d'une petite ville du nom d'Altea, et qui avaient établi le contact avec quelques autochtones, ont eu droit à des réactions allant de l'incrédulité à une sorte de terreur quand ils ont dit à leurs voisins qu'ils étaient juifs.
Envoyé par Y?ochoua - le Jeudi 17 Mars 2011 à 08:22
Il est vrai que les préjugés sont vivaces en Espagne. Je me souviens de l'étonnement d'une personne constatant que j'étais juive et normale : je n'avais pas les pieds fourchus et des cornes ! Mais la raison de ma réaction à l'article est que les certains descendants des juifs d'Espagne sont à la recherche de leurs racines et qu'il y a plusieurs organisations qui les aident. La plus importante est Shavei Israel. A Majorque il y a des associations de descendants des xuetes qui travaillent également dans le même but. Ils cherchent à renouer avec le judaïsme et soutiennent Israël. Le problème pour ceux qui veulent retourner au judaïsme c'est l'exigence du rabbinat : ils doivent obligatoirement passer par une conversion formelle et c'est très compliqué. Je ne connais qu'un cas d'un xueta majorquin qui a réussi, arbre généalogique à l'appui, qui a pu revenir officiellement au judaïsme sans passer par la conversion.
Envoyé par Denise_012 - le Jeudi 17 Mars 2011 à 11:25
Je suis aussi un descendant des juifs d'espagne. Que de souffrances vécurent nos ancètres...
Envoyé par Jean-philippe - le Vendredi 18 Mars 2011 à 11:12
chalom ! à tous
Je suis moi-méme un CHUETAS de Ubrique , commune de Seville et dans la famille de ma mère les " BAZAN VENEGAZ " , ils ont toujours pratiqués notre religion a l'interieur de nos maison , preuve en es , ma mère c'est appliqué a me la transmettre que l'en dépliaisent a certain de nos " orthodoxes " no comment " cela me fout les boules En colère !
jonathan_13
Envoyé par Jonathan-helios - le Jeudi 24 Mars 2011 à 06:54
A lire... "Le Maitre des boussoles" de Pascale Rey
En 1375, Abraham Cresques représente la courbe, jusque là inconnue, de la côte africaine. Sa carte fameuse, l'Atlas Catalan, ouvre une voie nouvelle, celle du pays des Noirs et des Îles Bienheureuses. Mais le cartographe qui maîtrise si bien le savoir des astronomes grecs et des navigateurs arabes est juif en un temps qui voit naître la fureur de l'Inquisition. Dans Majorque dévorée par la haine, Abraham va connaître un amour immense, interdit. Pourra-t-il protéger la femme tant aimée et préserver les siens ?

Dessiner de la main la plus fidèle et conquérir, au travers d'une recherche obstinée, le droit d'être et d'aimer, telle fut la quête d'Abraham. Les légendes, la vérité, le poids des traditions, des religions, la force lumineuse de l'amour, tout se mêle pour que "Le Maître des Boussoles" nous entraîne, carte après carte, sur la Mer Océane du coeur humain.

Envoyé par Israel, Eden_001 - le Samedi 26 Mars 2011 à 11:53
Jean-Philippe, Jonathan, Israel, merci de vos commentaires. Les juifs d'Espagne et leurs descendants ont beaucoup souffert, mais de génération en génération a été transmis un message : nous sommes juifs et rien ne pourra nous enlever cette identité. Le miracle c'est qu'après 500 ans cet héritage soit encore revendiqué. Malheureusement, au lieu d'être accueilli avec reconnaissance par la communauté juive, ces descendants revendiquant leur origine sont reçus avec méfiance. L'assimilation aurait-elle été plus facile ? Impossible de le savoir. Il faut, hélas, arriver à un constat terrible : Les goïm ne nous aiment pas et les juifs ne nous veulent pas... Courage à ceux qui entreprennent le difficile chemin du retour.
Envoyé par Denise_012 - le Dimanche 27 Mars 2011 à 11:18
Vous savez, Denise, les communautés juives fonctionnent sur une base de critères bien précise, et rigide. S'ils demandent aux personnes qui reviennent de passer par le mikwé, il ne faut pas le prendre pour du mépris et se bloquer. Beaucoup de communautés qui ne conservaient pas la Torah dans le sens traditionnel du terme, mais qui n'avaient que quelques signes, sont passés par là quand ils ont fait leur alya en Israël. C'est le cas des Juifs du Pakistan, qui n'avaient conservé que quelques traditions, c'est le cas des descendants de la tribu de Menaché, revenus de Birmanie. On peut parler aussi des Zéra Israël, de père juif et de mère non-juive. Il ne faut pas en faire un problème d'honneur, car c'est un problème de halakha. Par contre, aucune communauté juive, si "curieuse" soit-elle, n'a rencontré ce type de problème quand elle avait tous les éléments de la tradition: actes de mariage, respect du shabbat, de la cacheroute, séfer Torah, tephillin, séder de Pessah etc.
Envoyé par Y?ochoua - le Dimanche 27 Mars 2011 à 13:58
J'ignore si des "chuetas" font partie de notre lignée qui a connue bien des vicissitudes,et des non-dits,mais ce que je peux dire, c'est que ma fille s'est convertie au judaïsme en 2008, ce qui prouve que dans nos coeurs, la petite flamme brille toujours et c'est cela l'espoir ! Shalom à tous !
Envoyé par Jacqueline_011 - le Jeudi 31 Mars 2011 à 08:35
Yochoua, il ne s'agit pas d'un simple passage au mikwé mais bien d'une démarche complète de conversion, comme pour des non-juifs. Je sais que tout cela est basé sur la halakha mais il me semble qu'il devrait exister , pour les descendants des anussim, une possibilité de revenir au judaïsme différente de celle appliquée à ceux qui n'ont pas de racine juive. Une reconnaissance de la part du rabbinat du fait que nos ancêtres étaient juifs et que, malgré les persécussions, ils ont résisté et ils ont transmis. Et puis quelques juifs de plus, convaincus et amis d'Israël, pas orthodoxes, ce ne serait pas un drame pour le judaïsme en général.
Envoyé par Denise_012 - le Jeudi 31 Mars 2011 à 09:17
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