Document: "L’ANTISÉMITISME MUSULMAN, UN DANGER TRÈS ACTUEL"
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Il y a seize ans, Bernard Lewis, historien majeur du Moyen-Orient, observait :
La quantité d’articles et d’ouvrages, le nombre d’éditions et de réimpressions, la qualité de ceux qui les rédigent, les publient et les soutiennent, la place qu’ils occupent dans les écoles et les universités, leur rôle dans les médias donnent à penser que l’antisémitisme classique fait désormais partie intégrante de la vie intellectuelle, presque autant qu’en Allemagne nazie, et beaucoup plus que dans la France de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

En dépit de l’inquiétude suscitée par l’immense production de littérature antisémite dans le monde arabe et musulman, Lewis, à l’instar de la plupart des autres commentateurs, estimait que cette haine arabe était dépourvue du caractère viscéral et de l’intensité propres à l’antisémitisme d’Europe centrale et orientale. Selon les idées reçues, l’antisémitisme dans les pays arabes était « encore amplement politique et idéologique, intellectuel et littéraire », dénué de profonde animosité personnelle, et ne rencontrait pas de résonance populaire.

En dépit de sa véhémence et de son omniprésence, la judéophobie moyen-orientale était considérée quasiment par tous (même par Lewis) comme un élément du conflit arabo-israélien, exploité avec cynisme à des fins de propagande par les dirigeants arabes et les élites intellectuelles : c’était « quelque chose qui vient d’en haut, des dirigeants, plutôt que d’en bas, de la société – une arme politique et polémique à mettre au rebut lorsqu’elle devient inutile ».

Mais, à mon avis, cette hypothèse, même à l’époque, péchait par excès d’optimisme et était intellectuellement sujette à caution. Ces dernières années, c’est devenu de plus en plus flagrant, le virus antisémite ayant pris racine dans le corps politique de l’islam à un degré sans précédent.

Cependant, on entend encore dans certains milieux l’affirmation désarmante selon laquelle, les Arabes étant des « Sémites », ils ne peuvent par définition être considérés comme antisémites. Pour plusieurs raisons, cet argument était et demeure absurde. En premier lieu, le terme « sémite » renvoie à une classification linguistique et non pas raciale ou nationale, et ne revêt un sens précis que lorsqu’il s’applique à la famille des langues sémitiques qui inclut l’hébreu, l’arabe et l’araméen.

Ensuite, le vocable « antisémite », forgé en Allemagne en 1879 par Wilhelm Marr, n’a jamais concerné les Arabes. Il était nettement et exclusivement destiné aux Juifs et était une arme contre leur émancipation. Sa coloration raciale évidente conférait une apparence scientifique à la haine des Juifs d’origine religieuse, plus traditionnelle. Il faut rappeler que, vers la fin du XIXe siècle, la notion de race n’était pas encore sujette à l’opprobre qu’elle connaîtrait par la suite.

En troisième lieu, pendant la guerre, Hitler et les nazis furent plus qu’heureux de convier à Berlin le grand mufti de Jérusalem et le dirigeant du mouvement national arabe palestinien, Haj Amin al-Husseini, invité d’honneur et allié, au moment même où ils entreprenaient l’assassinat en masse des Juifs européens. Le fait qu’al-Husseini appartenait à la branche arabophone de la famille linguistique « sémite » ne dissuada pas Heinrich Himmler, l’implacable chef des SS, de souhaiter le plein succès au grand mufti dans son combat « contre le Juif étranger »

Pour sa part, aucun sentiment d’allégeance au « sémitisme » n’empêcha al-Husseini de déclarer avec enthousiasme, le 2 novembre 1943, que « les Allemands savent comment se débarrasser des Juifs ». En fait, le dirigeant national arabe palestinien souligna le lien idéologique entre Allemands et musulmans :

Les Allemands n’ont jamais causé de tort à aucun musulman, et ils combattent à nouveau contre notre ennemi commun […]. Mais surtout, ils ont définitivement résolu le problème juif. Ces liens, notamment ce dernier point [la « solution finale »], font que notre amitié avec l’Allemagne n’a rien de provisoire ou de conditionnel, mais est permanente et durable, fondée sur un intérêt commun.

Mais il est inutile de rappeler la collaboration arabe, musulmane ou palestinienne à la judéophobie génocidaire nazie pour admettre que des attitudes profondément hostiles aux Juifs ne cessent pas d’être antisémites pour la simple raison qu’elles sont exprimées en arabe par des Arabes. Les Protocoles des Sages de Sion, par exemple, sont un produit de l’antisémitisme russe et européen de la fin du siècle, issu d’une tradition historique et culturelle de toute évidence distincte de celle des Arabes musulmans.

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